Le terme Kamikaze évoque souvent un chapitre sombre et tragique de l’histoire militaire japonaise. Il est principalement associé à la Seconde Guerre mondiale, lorsque des pilotes japonais se sont sacrifiés en menant des attaques suicides contre les navires ennemis.
Culture
Étymologie de Kamikaze
En japonais, le mot Kamikaze (神風) signifie littéralement “vent divin”.
La première occurrence du mot Kamikaze se trouve dans les Annales du Japon (Nihon shoki), où il désigne le vent qui souffle sur la région d’Ise et le sanctuaire d’Amaterasu. On le retrouve ensuite dans L’Histoire du Japon (Dai Nihon shi), où il désigne des typhons qui auraient sauvé le Japon lors des invasions mongoles sous l’Empire mongol de Kubilai Khan, qui gouvernait la dynastie Yuan en Chine. Ces événements auraient eu lieu à l’époque de Kamakura, en novembre 1274 et en août 1281.
Invasions mongoles du Japon
En 1231, les Mongols envahissent la Corée, et après trente ans de guerre, la Corée signe un traité en faveur de la dynastie Yuan, fondée par le Mongol et empereur de Chine Kubilai Khan. Les invasions mongoles du Japon de 1274 et 1281 sont des opérations militaires majeures entreprises par Kubilai Khan pour conquérir l’archipel japonais après sa conquête de la Corée.
En 1274, la flotte mongole prend la mer, avec environ 15 000 soldats mongols et chinois et 8 000 guerriers coréens, dans 300 grands vaisseaux et 400 à 500 plus petits. Les Japonais ne disposant pas de forces navales, les Mongols prennent facilement les îles de Tsushima et d’Iki, et débarquent le 19 novembre dans la baie de Hakata, non loin de Dazaifu, l’ancienne capitale administrative de Kyūshū.
Le lendemain a lieu la bataille de Bun’ei, aussi connue sous le nom de « bataille de la baie de Hakata ». Les Mongols, avec leur armement, incluant des explosifs chinois qui impressionnent les Japonais, leur tactique supérieure et leurs troupes plus nombreuses, débordent la petite garnison de samouraïs qui doit se réfugier dans la forteresse de Dazaifu.
Cependant, de lourdes pertes, un manque de ressources, un début de rébellion parmi les auxiliaires coréens et chinois, ainsi qu’une tempête qui endommage gravement la flotte, forcent les Mongols à renoncer à l’invasion.
En 1279, les Mongols prennent le sud de la Chine et s’emparent de l’armée et de la flotte de la dynastie Song. Kubilai peut maintenant envisager une nouvelle invasion du Japon, avec ses deux flottes, celle de l’Est (15 000 marins et 25 000 soldats à bord de 900 vaisseaux) et celle du Sud, presque quatre fois plus nombreuse.
Au printemps 1281, bien que l’armée du Sud (la flotte chinoise) soit retardée par des difficultés pour approvisionner son grand nombre de navires, l’armée de l’Est (la flotte coréenne) prend la mer, débarque à Tsushima et Iki, puis tente de débarquer sur l’île de Shikanoshima. Elle subit de lourdes pertes et se replie pour attendre les renforts du Sud. La flotte chinoise arrive au cours de l’été. Les deux forces combinées prennent l’île d’Iki et se rendent à Kyūshū, où elles débarquent en plusieurs endroits. Au cours d’une série d’escarmouches séparées, connues collectivement sous le nom de bataille de Kōan, ou de « seconde bataille de la baie de Hakata », les forces mongoles sont repoussées jusqu’à leurs navires.
L’armée japonaise est toujours largement dépassée en nombre, mais elle a fortifié la ligne de côte et se trouve facilement capable de repousser les forces auxiliaires lancées contre elle. Durant deux jours à compter du 15 août, le célèbre typhon Kamikaze dévaste les côtes de Kyūshū, et détruit la majeure partie de la flotte mongole, mettant ainsi fin à la deuxième tentative d’invasion.
Le Japon échappe donc à l’invasion mongole, mais la victoire lui coûte cher. Paradoxalement, les invasions mongoles marquent l’apogée mais aussi le début du déclin du shogunat de Kamakura.
Attaques suicides
Régulièrement utilisé en japonais dans le sens « d’intervention divine », le mot fut repris à l’automne 1944 par la Marine impériale japonaise pour désigner une Unité d’attaque spéciale (特別攻撃隊, Tokubetsu kōgekitai, souvent abrégé en 特攻隊, Tokkōtai) composée de pilotes devant projeter leur appareil sur des bâtiments ennemis. Il s’agit d’une tactique militaire d’auto-explosion consistant à faire exploser son avion chargé d’explosifs contre une cible pour l’endommager au maximum. Ces missions-suicides avaient pour but de remédier au manque d’effectif militaire et de carburant pour avion.
Les pilotes n’étaient bien souvent pas des nationalistes fanatiques, mais plus généralement de très jeunes soldats terrorisés. Les unités de Kamikazes étaient en effet composées en majorité d’étudiants volontaires fraîchement appelés sous les drapeaux. Tous ne prenaient cependant pas la décision de devenir Kamikaze de façon totalement volontaire, beaucoup étaient victimes de la pression sociale ou d’injonctions officieuses. Ces cadets décollaient ainsi sans parachute et ne revenaient à leur base qu’en l’absence de navires ennemis. L’appel dans cette unité était à la fois un honneur important et une sentence de mort.
Au cérémonial de départ d’une attaque, les militaires vouaient allégeance à Hirohito, l’Empereur du Japon, récitaient un Tanka (短歌) comme poème d’adieu en référence au devoir de sacrifice puis buvaient l’ultime saké en se tournant dans la direction de leur région de naissance. Ils nouaient autour de leur front, par-dessus le casque de vol, un bandeau Hachimaki blanc orné d’un disque rouge, les couleurs du drapeau du Japon (Hinomaru).
Dans l’armée, la prononciation des deux caractères composant le mot Kamikaze était Shinpū しんぷう (prononciation Onyomi). La prononciation Kamikaze fut utilisée en japonais dans les nouvelles cinématographiques dès novembre 1944. Plus naturelle, elle fait écho au sens historique du mot.
À partir de 1945, le mot se diffusa tel quel en anglais et dans d’autres langues. Après la Seconde Guerre mondiale, il fut rapidement utilisé dans un sens métaphorique pour qualifier des gens se sacrifiant pour une cause ou prenant des risques inconsidérés. Il désigne plus largement tout assaillant qui meurt délibérément au cours de son attaque. Au Japon en revanche, ce terme désigne exclusivement l’équipe militaire de la Seconde Guerre mondiale et n’est pas utilisé dans le sens occidental d’auteur d’un attentat-suicide.
Utilisation du mot Kamikaze de nos jours
Le terme Kamikaze a rapidement pris le sens général « d’auteur d’un attentat-suicide », et il est parfois utilisé encore de nos jours pour désigner un suicidaire-meurtrier, quelqu’un qui cherche sa propre mort et celle d’autres personnes. Cependant, il faut souligner la différence forte entre l’action des Kamikazes japonais durant la Seconde Guerre mondiale et celle de divers groupuscules terroristes utilisant les attentats-suicides comme moyen pour parvenir à leurs fins.
En effet, si les premiers faisaient partie d’une armée régulière et s’en prenaient à des objectifs militaires, essentiellement les navires de guerre puissamment armés d’une nation ennemie et ce dans le cadre d’un conflit militaire, les seconds ciblent le plus souvent des civils sans défense, en dehors de tout conflit déclaré, ce qui les place clairement en dehors du droit de la guerre.
On peut également mettre en évidence le fait que les Kamikazes japonais sacrifiaient leur vie pour une cause militaire et patriotique, là où les motifs des groupes terroristes englobent une plus large plage d’idéologies, notamment religieuses. En 2015, un groupe de survivants japonais s’est d’ailleurs plaint publiquement dans les colonnes du Tokyo Shinbun de cet usage occidental du terme.
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